Je traversais, un matin, Ville Saint-Laurent en empruntant un chemin inhabituel, quand j’aperçus une fontaine incomparable devant la bibliothèque. J’étais complètement subjuguée par sa beauté. Bien que pressée par le temps, il fallait que je m’arrête pour la contempler.
C’était un immense gong en bronze d’où calmement sourdait l’eau comme une énergie toujours renouvelée. Ce qui me touchait, au-delà de sa beauté formelle, c’était le non visible que je ressentais avec force, une vibration mystique qui me transportait ailleurs. L’Orient venait à ma rencontre. Je croyais entendre le chant des moines bouddhistes dans le bruissement de l’eau. Voir maquette.
Plus je la regardais, plus je pensais reconnaître le travail de Charles Daudelin. Cet esthétique de sobriété lui ressemblait et m’atteignait au plus profond de moi-même.
Combien de fois ai-je modifié mon parcours le matin pour l’admirer. Après vérification avec Louise, c’était bien une sculpture de Charles. Voir modèle.
Le temps s’est écoulé tout doucement comme coulait l’eau de la fontaine et je gardais en moi le rêve de me procurer une œuvre de Charles.
Je voyais, à l’occasion, dans l’entrée de son atelier, une maquette de la fontaine Embâcle, qui se trouve à Saint-Germain-des-Prés à Paris. Je me disais que ce serait merveilleux de faire une petite fontaine à partir de ce prototype. Je me suis décidée à lui en parler, mais ce n’était pas possible car ce n’était qu’une maquette.
Je rêvais d’une fontaine miniature. Il m’a proposé un bronze, le modèle réduit précisément du gong fontaine qui m’avait tellement ébloui. Curieusement, je ne l’avais jamais vu chez lui. L’œuvre était dans un coin d’ombre un peu à l’abri d‘un regard convoiteur. Il hésitait à la laisser partir, me dit-il alors, il pensait la garder pour lui car c’était une édition unique
Il y a déjà quinze ans qu’elle fait partie de mon quotidien et je l’admire tous les jours. Je suis encore en résonance avec cette œuvre; c’est une histoire de coup de cœur. Un gong silencieux, une fontaine sans eau: c’est précisément dans cette absence qu’elle exalte toute sa plénitude. Elle est l’éloge même de la fadeur, qualité tant appréciée par les lettrés chinois.
J’avais acheté cette sculpture pour en faire cadeau à l’occasion d’un anniversaire important. Depuis ce jour, elle marque le temps et prolonge la présence de Charles qui nous manque, il était un ami.
Claire Dufresne
Artiste multidisciplinaire
|